Quand l’inertie démocratique devient un avantage stratégique pour les puissances autoritaires
Introduction
Voici une réflexion que d’aucuns jugeraient « amateur », car elle ne repose sur aucun titre universitaire ou fonction stratégique. Je vous invite simplement à réfléchir à cette analyse.
Depuis que les États-Unis ont coupé leur aide militaire à l’Ukraine, un bouleversement géopolitique majeur se dessine. En filigrane, un axe autoritaire discret mais efficace s’impose : Russie–Chine–Iran–Corée du Nord. Et pendant ce temps, l’Europe regarde ailleurs. Prisonnière de son confort et de son hédonisme politique, elle se montre incapable de réagir, même quand sa sécurité à long terme est en jeu.
1. Une inversion historique : Russie–Corée du Nord–Chine, version XXIᵉ siècle
Le parallèle est frappant : lors de la guerre de Corée (1950-1953), l’Union soviétique soutenait militairement le Nord, tandis que la Chine intervenait massivement pour repousser l’offensive occidentale. En 2024, les rôles semblent inversés : la Russie mène la guerre, soutenue en hommes par la Corée du Nord, en équipements par l’Iran, et en technologie par la Chine.
Ce n’est plus une guerre classique : c’est un conflit hybride multilocal, où l’ennemi n’est plus un pays mais un bloc informel, agile, souvent dénié.
2. La stratégie chinoise du double-jeu
La Chine n’a pas officiellement livré d’armes létales à la Russie. Mais elle autorise et soutient :
– Des livraisons de véhicules à double usage, comme les camions civils militarisables ;
– Des drones commerciaux modifiables (DJI, etc.) ;
– Des semi-conducteurs et puces anciennes indispensables au ciblage et aux systèmes russes ;
– L’export massif de machines-outils.
Parallèlement, Pékin achète du pétrole et du gaz russe à prix cassés, s’enrichit, et contourne les sanctions.
Le tout sans coup de feu ni dénonciation ouverte. La Chine joue avec les failles du droit international, tout en construisant une domination silencieuse.
La « guerre indirecte » à la chinoise
La doctrine militaire chinoise, depuis les années 1990, valorise la « guerre sans limite » (Unrestricted Warfare), autrement dit :
– User l’ennemi sur le plan économique, psychologique, logistique ;
– Utiliser des proxies (autres pays belligérants) pour tester les réactions adverses ;
– Maintenir un visage neutre tout en déplaçant le centre de gravité stratégique.
C’est une guerre non déclarée, mais bien réelle. Et la Chine l’applique à la perfection en Ukraine, sans jamais être désignée comme partie prenante.
Sun Tzu, le stratège de l’ombre
La doctrine chinoise contemporaine de guerre indirecte prolonge fidèlement plusieurs préceptes de Sun Tzu, dont L’Art de la guerre est une référence majeure dans les cercles militaires asiatiques. Parmi les principes les plus pertinents :
« Tout le succès d’une opération réside dans sa dissimulation. »
→ Le soutien logistique à la Russie est dissimulé dans des échanges civils, des composants électroniques « neutres », et des entreprises écrans.
« L’art suprême de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre. »
→ La Chine ne se déclare pas belligérante. Elle use ses adversaires par procuration, commerce et manipulation des interdépendances.
« Le comble de l’habileté consiste à briser la résistance de l’ennemi sans combattre. »
→ Cela correspond à la stratégie du contournement, de la paralysie logistique, et de l’isolement diplomatique.
« Soyez insaisissable comme l’ombre, mobile comme le vent. »
→ L’ambiguïté de la position chinoise (ni soutien militaire direct, ni rupture avec la Russie) est un prolongement de cette idée.
3. Le triangle Russie–Iran–Chine : une alliance fonctionnelle
L’Iran a fourni des drones Shahed-136 à la Russie, modifiés localement. En retour, Téhéran reçoit :
– Des technologies de missiles ;
– L’accès à des chasseurs Su-35 ;
– Une visibilité politique accrue dans le monde musulman.
L’Iran ne cache plus son alignement tactique. Il vise un double objectif : affaiblir l’Occident, et s’imposer comme puissance centrale du croissant chiite (Irak, Syrie, Liban).
4. L’inaction stratégique de Trump : un renversement de l’histoire
En mettant fin à l’aide militaire à l’Ukraine, Donald Trump a offert un champ libre à la Russie, mais surtout à la Chine.
– Il affaiblit l’OTAN en accusant ses alliés d’ingratitude ;
– Il flatte Poutine tout en taisant les manœuvres de Xi Jinping ;
– Il refuse toute mesure coercitive contre les complicités chinoises, pour ne pas heurter l’intérêt des marchés.
Les démocraties se retrouvent sans stratégie, alors que le bloc autoritaire avance, lentement mais sûrement.
Chronologie : février 2022 → juin 2025
| Date | Événement clé |
| 21 février 2022 | Livre blanc chinois dénonçant l’OTAN, soutien implicite à la Russie |
| 24 février 2022 | Invasion russe de l’Ukraine |
| Juin 2024 | Traité militaire Russie–Corée du Nord (coopération officielle) |
| Octobre–novembre 2024 | Déploiement de troupes nord-coréennes en Russie (jusqu’à 14 000 soldats) |
| Janvier 2025 | Pertes nord-coréennes estimées entre 1 000 et 4 000 |
| Avril 2025 | Reconnaissance officielle de la participation nord-coréenne à la reconquête de Kursk |
| 9 mai 2025 | Parade à Moscou : Xi Jinping et troupes chinoises présentes |
| Juin 2025 | Avancée russe de 600 km², présence active d’ouvriers nord-coréens à la reconstruction |
Conclusion : Une victoire sans guerre
La Chine ne fait pas la guerre. Elle observe, finance, oriente, approvisionne. Et elle gagne.
L’Europe, elle, s’endort. Prisonnière de son confort social, de son pacifisme de salon, elle espère que les orages passeront sans devoir lever le petit doigt. Mais que restera-t-il de la souveraineté européenne, si elle est constamment déléguée, repoussée, marchandée ?
Il ne s’agit pas de partir en guerre, mais d’ouvrir les yeux :
« Un agneau au milieu d’une meute de loups n’a pas besoin de courage, il a besoin de lucidité. »
L’heure n’est plus au déni. Elle est à la stratégie. Ou au déclin.