Dans le débat politique contemporain, certaines propositions économiques refont surface avec une insistance qui laisse perplexe. Parmi elles, l’idée de taxer le chiffre d’affaires des entreprises plutôt que leurs bénéfices. Cette approche, récemment évoquée par le député Bompard, suscite l’adhésion d’un certain public, mais elle repose sur une logique simpliste et économiquement dangereuse. En tant que citoyen belge, habitué à un cadre fiscal cohérent et rationnel, cette proposition m’apparaît comme un exemple flagrant de populisme fiscal. Décryptage.
1. Un impôt sur le chiffre d’affaires : un outil simpliste pour un problème complexe
L’impôt sur le chiffre d’affaires ignore la structure même de l’entreprise. On peut très bien générer un chiffre d’affaires important tout en enregistrant des pertes, en raison de coûts fixes, de cycles d’investissement lourds ou d’un modèle économique à faible marge. Imposer le chiffre d’affaires revient à ignorer la réalité comptable. C’est une taxation à l’aveugle, économiquement injuste, et profondément inefficace.
2. La fiscalité ne peut pas ignorer la compétitivité
Dans une économie mondialisée, il est dangereux d’agir sans considérer les effets d’une politique fiscale sur la localisation des entreprises. Une mesure brutale ou incohérente peut entraîner la délocalisation d’industries vers des pays plus accueillants. Le coût social d’une telle fuite – en emplois perdus, en recettes fiscales manquées, en désindustrialisation – pourrait largement dépasser les gains attendus. Taxer sans réfléchir, c’est risquer un appauvrissement collectif.
3. L’évasion fiscale n’est pas une fatalité, mais elle exige une réponse coordonnée
Il faut le reconnaître : certaines grandes entreprises échappent largement à l’impôt grâce aux jeux d’optimisation fiscale rendus possibles par les incohérences européennes. Mais la réponse ne peut être ni solitaire ni hâtive. Ce sont les dispositifs de coordination entre États qui doivent être renforcés – en particulier au sein de l’Union européenne. Il est insupportable que des États membres comme les Pays-Bas, l’Irlande ou le Luxembourg servent de plateformes à ces pratiques. La lutte contre l’évasion fiscale doit être ferme, mais elle doit reposer sur une stratégie commune et cohérente, pas sur des slogans.
4. Le populisme fiscal est une impasse sociale
Les propositions de taxation simpliste séduisent parce qu’elles offrent un sentiment de justice immédiate. Mais cette justice est illusoire si elle détruit la base productive. Une fiscalité mal pensée peut provoquer une désindustrialisation accélérée et aggraver le chômage. Or, un chômeur coûte davantage à la collectivité qu’un bénéfice non taxé. Une politique fiscale efficace ne se mesure pas à la colère qu’elle flatte, mais à la prospérité qu’elle permet de bâtir.
Nous devons refuser les solutions simplistes à des problèmes complexes. La fiscalité est un levier puissant qui doit être manié avec prudence, intelligence et responsabilité. La démagogie économique ne construit rien ; elle détruit souvent ce qu’elle prétend défendre.
04 May 2025