De Roosevelt à Trump : la grandeur perdue de l’Amérique

Depuis l’élection de Donald Trump en 2016, puis son retour au pouvoir en 2025, les États-Unis semblent pris dans une spirale de repli, de polarisation extrême et de dérive oligarchique. Pourtant, l’Amérique fut longtemps un modèle d’ambition collective, de progrès social et d’innovation démocratique. En remontant l’histoire à rebours, on peut discerner ce que les États-Unis ont progressivement perdu depuis le souffle du New Deal porté par Franklin D. Roosevelt. Malgré les efforts réformateurs d’Obama et de Biden, le délitement institutionnel et moral semble avoir atteint un point critique. Cet article retrace cette lente érosion, entre grandes ruptures politiques et dérives idéologiques.

Donald Trump : l’apogée d’une dérive ploutocratique

Le retour de Donald Trump à la présidence en 2025, après un premier mandat déjà controversé (2017-2021), marque une nouvelle phase de la transformation des États-Unis en une oligarchie autoritaire. Sous sa présidence, les nominations de proches à des postes diplomatiques et administratifs (comme celle de Charles Kushner, père de Jared Kushner, à l’ambassade de France), illustrent un népotisme assumé. L’État de droit est fragilisé, les contre-pouvoirs affaiblis, et le discours public dominé par la polarisation et la désinformation. La grandeur morale, héritée du libéralisme éclairé du XXe siècle, s’efface au profit d’un nationalisme populiste fondé sur la peur, la haine, et le culte du chef.

Joe Biden : un retour inespéré de l’État protecteur

Dans un contexte hostile, Joe Biden a tenté de réactiver l’esprit du New Deal. Son plan de relance post-Covid, son programme d’investissements dans les infrastructures, ainsi que la volonté de verdir l’économie américaine, s’inscrivent dans une logique keynésienne inspirée par Roosevelt. Pourtant, malgré sa volonté réformiste, Biden se heurte à un Congrès divisé, à une opinion publique fragmentée, et à l’héritage des décennies de dérégulation. Son bilan reste néanmoins l’un des plus sociaux depuis les années 1960, marquant une tentative de redonner à l’État fédéral un rôle protecteur et structurant.

Bill Clinton : la trahison douce du New Deal

Ironie de l’histoire : c’est un président démocrate qui a abrogé en 1999 la séparation entre banques commerciales et banques d’affaires mise en place par Roosevelt avec le Glass-Steagall Act (1933). Bill Clinton, en signant le Gramm-Leach-Bliley Act, entérine la domination du modèle néolibéral et renforce l’influence de Wall Street sur la vie politique américaine. Le Parti démocrate s’éloigne alors de ses racines populaires pour adopter les codes d’un capitalisme mondialisé et financier. Ce tournant ouvre la voie à la crise de 2008.

Ronald Reagan : le début de la contre-révolution conservatrice

Avec Ronald Reagan, l’État est vu comme un problème plutôt qu’une solution. Sa politique de baisse massive des impôts pour les plus riches, de déréglementation économique, et de réduction des services publics initie un cycle de repli de l’État social. C’est également le début d’une montée des inégalités, d’une fragilisation des syndicats, et d’un basculement culturel vers un individualisme exacerbé. Le « rêve américain » devient de plus en plus inégalement réparti.

Franklin D. Roosevelt : l’Amérique du progrès partagé

Face à la crise de 1929, Roosevelt propose une refondation complète du capitalisme américain : le New Deal. Ce programme vise à relancer l’économie par la demande, sécuriser les dépôts bancaires, créer des emplois publics massifs, instaurer la sécurité sociale, et reconnaître les droits syndicaux. Il représente l’apogée d’un pacte social fondé sur l’État-providence et la régulation du marché. C’est cette philosophie politique qui a fait des États-Unis un modèle dans l’après-guerre, et qui semble aujourd’hui si éloignée.

Conclusion : ce que l’Amérique a perdu

L’Amérique contemporaine semble avoir oublié les fondements de sa propre grandeur. Le progrès partagé, la protection des plus faibles, la foi dans les institutions, ont été remplacés par la cupidité, l’individualisme, et la méfiance envers l’État. De Roosevelt à Trump, l’histoire des États-Unis n’est pas celle d’une simple alternance politique, mais d’un glissement idéologique profond. Malgré les efforts de certains présidents réformateurs, les digues du New Deal ont été progressivement détruites. Et c’est peut-être cette perte – celle d’une idée morale de la démocratie – qui constitue le vrai déclin américain.