Déficit public français : les causes récentes et les limites structurelles

La question du déficit public français fait régulièrement irruption dans le débat politique et économique. Souvent caricaturée, elle mérite une lecture plus nuancée. Cet article revient sur les causes récentes de l’augmentation de la dette publique et du déficit budgétaire, en distinguant les facteurs exceptionnels des déséquilibres plus anciens.

1. Trois événements récents ayant creusé la dette

• Le mouvement des Gilets jaunes (2018–2019) :
Ce mouvement social a entraîné une série de mesures d’urgence pour apaiser la contestation : revalorisation de la prime d’activité, exonérations d’heures supplémentaires, prime exceptionnelle défiscalisée. Le coût global est estimé entre 17 et 20 milliards d’euros, et ces dépenses ont été pérennisées.

• La crise du Covid-19 (2020–2021) :
Le ‘quoi qu’il en coûte’ a permis d’éviter une catastrophe économique et sociale. Le coût des mesures exceptionnelles (chômage partiel, fonds de solidarité, soutien hospitalier) est estimé à environ 165 à 200 milliards d’euros. Ces dépenses ont été massives, mais comparables à celles engagées par d’autres pays européens.

• La revalorisation des salaires hospitaliers :
Issue du Ségur de la santé, cette mesure structurelle représente environ 10 à 12 milliards d’euros par an. Elle visait à corriger un sous-investissement chronique dans l’hôpital public.

2. Un déficit ancien et structurel

Indépendamment de ces événements, la France présente depuis des décennies un déficit structurel supérieur à la norme européenne de 3 % du PIB fixée par le Traité de Maastricht. Depuis 1981, la France n’a respecté cette règle qu’à de très rares exceptions, et le déficit s’est plutôt établi autour de 4 à 5 % du PIB en moyenne.

Seules les années 2017 et 2018, au début de la présidence Macron, ont vu le déficit repasser durablement sous les 3 % : 2,8 % en 2017 et 2,3 % en 2018. Le mouvement des Gilets jaunes en 2019 a fait remonter le déficit à 3,1 %, puis la crise du Covid a fait exploser le solde budgétaire à -9 % en 2020.

Une trajectoire perturbée par les crises, un héritage industriel fragilisé

La présidence Macron avait engagé, avant la pandémie, une trajectoire budgétaire orientée vers la réduction du déficit public par la stimulation de l’investissement, la baisse des impôts de production et une logique pro-entreprise assumée. Le déficit était repassé sous les 3 % du PIB, renouant avec les critères européens pour la première fois depuis 2007. Cette stratégie n’était pas sans critiques, mais elle semblait remettre les finances publiques sur une voie de soutenabilité progressive.

Mais le choc du Covid a tout bouleversé. Le « quoi qu’il en coûte » était une réponse nécessaire à une crise inédite. Pourtant, cette crise a aussi révélé la vulnérabilité structurelle de la société française, fruit de choix passés.

Entre les années 1980 et 2000, la France a laissé se décomposer une partie de son tissu industriel, au nom d’une modernisation par les services. Cette désindustrialisation a réduit la capacité de résilience du pays : moins d’emplois productifs répartis sur le territoire, dépendance accrue aux importations, érosion de la base fiscale productive.

Une économie industrielle diversifiée est plus résiliente face aux crises : elle exporte, elle s’adapte, elle amortit. L’abandon de l’industrie a laissé la France plus exposée aux chocs mondiaux, qu’il s’agisse d’un virus, d’une crise énergétique ou d’une rupture géopolitique.

Le retour à un équilibre budgétaire ne pourra se faire sans une stratégie industrielle de long terme, adossée à un État stratège et à une vision collective du futur.

3. Évolution du déficit public (% du PIB)

Le graphique ci-dessous montre clairement que le déficit français est structurellement élevé, et que les efforts de retour à l’équilibre restent fragiles.

Conclusion

La trajectoire de la dette et du déficit publics français ne peut être analysée uniquement à travers le prisme de la mauvaise gestion. Elle résulte d’un enchevêtrement de facteurs : des événements exceptionnels (Covid, crise sociale), des choix politiques, et un déséquilibre structurel historique entre les recettes et les dépenses publiques. Revenir à un équilibre budgétaire suppose une réflexion de fond sur l’organisation de l’État, la fiscalité, et les priorités collectives.