Dette française : une autre lecture est possible

On entend souvent que la dette française aurait explosé sous les deux quinquennats d’Emmanuel Macron, avec une augmentation dépassant les 1 000 milliards d’euros. Mais que nous disent vraiment les chiffres ? Et que se serait-il passé sans la crise du Covid ? Cette analyse tente d’offrir une lecture plus nuancée, fondée sur les données.

1. Une trajectoire perturbée par la crise du Covid

Les données officielles montrent une évolution stable du ratio dette/PIB entre 2016 et 2019, autour de 98 %. Puis, en 2020, ce ratio bondit brutalement à 115 %. Ce saut s’explique par deux facteurs conjugués : un déficit massif pour soutenir l’économie (le fameux « quoi qu’il en coûte ») et une chute du PIB due au confinement mondial. Cette crise sanitaire a mécaniquement gonflé le ratio, même si la dette en valeur absolue n’a pas autant explosé qu’on le croit.

PIB (M€)DetteDéficit
2016223298,10%3,80%
2017229298,70%3,40%
2018235598,50%2,30%
2019243298,10%2,40%
20202318114,80%8,90%
20212508112,70%6,60%
20222655111,20%4,70%
20232822109,90%5,40%
20242917113,00%5,80%
20252967115,24%5,40%

Source: INSEE sauf pour l’année 2025: estimation en fonction du premier trimestre

Les 3 courbes correspondantes:

On perçoit parfaitement la chute du PIB lors de la crise du Covid.

Cette fois, on voit que la dette bondit sous l’effet du « Quoi qu’il en coûte » puis le rebond de la dette sous l’effet de l’inflation.

Bien entendu, on voit aussi le déficit bondir sous l’effet du « Quoi qu’il en coûte », qui en préservant l’emploi a permis de faire rapidement diminuer les déficit et rétablir le PIB (malgré les dépenses liées au SEGUR de la santé.

2. Un rebond partiellement lié à l’inflation

Dès 2021, le PIB nominal repart à la hausse, notamment grâce à l’inflation post-Covid. Ce phénomène, parfois sous-estimé dans le débat public, a eu un effet mathématique important : il a réduit le ratio dette/PIB sans effort budgétaire actif. En effet, le stock de dette est en grande partie fixe, alors que le PIB croît sous l’effet des hausses de prix. Résultat : le ratio passe de 115 % en 2020 à environ 110 % en 2023, malgré des déficits toujours présents.

3. Que se serait-il passé sans la crise sanitaire ?

En lissant les données, on peut estimer que sans la pandémie, le PIB aurait suivi une progression naturelle de 1,5 à 2 % par an, et les déficits seraient restés contenus. Le rebond inflationniste de 2022–2023 aurait alors, lui aussi, réduit le ratio dette/PIB. Dans cette hypothèse, la dette publique n’aurait augmenté que modérément, tout en restant maîtrisée.

PIB (M€)DetteDéficitDéficit (M€)Dette (M€)
2016223298,10%3,80%84,8162189,592
2017229298,93%3,40%77,9282267,52
2018235598,59%2,30%54,1652321,685
2019243297,86%2,40%58,3682380,053
20202318105,88%3,20%74,1762454,229
20212508101,86%4,00%100,322554,549
20222655100,92%4,70%124,7852679,334
20232822100,34%5,40%152,3882831,722
20242917102,88%5,80%169,1863000,908
20252981106,07%5,40%160,9703161,87758

4. Une dette qui croît, mais un PIB aussi

Il est vrai que la dette brute de la France est passée d’environ 2 232 Md€ en 2016 à 3 100 Md€ en 2024, soit une hausse d’environ 1 000 Md€. Mais dans le même temps, le PIB est passé de 2 232 Md€ à 2 967 Md€, soit une hausse de 735 Md€. Ce chiffre est rarement rappelé dans les débats politiques. Rapportée à la taille de l’économie, la dette aurait augmenté de seulement 7,8 % entre 2016 et 2025, si l’on exclut les effets exceptionnels du Covid.

5. Conclusion : une dette moins incontrôlée qu’il n’y paraît

Il est légitime de s’interroger sur la soutenabilité de la dette publique. Mais il est tout aussi important de rappeler que les 1 000 milliards supplémentaires ne sont pas uniquement le fruit de laxisme budgétaire. Ils sont en grande partie dus à des circonstances exceptionnelles, notamment une pandémie mondiale sans précédent. En parallèle, le PIB a crû, l’inflation a joué un rôle d’ajustement, et la situation est bien moins alarmante que ce que certains discours laissent entendre.