
Les États-Unis affichent une dette publique record, des déficits chroniques et une banque centrale qui rachète elle-même ses propres obligations. Pourtant, les marchés ne s’alarment pas. Pourquoi ? Parce que le dollar est roi, la Fed est toute-puissante, et les grandes banques ont la mémoire courte. Mais cette illusion de solidité masque des fragilités systémiques profondes. L’Europe, elle, regarde ailleurs, comme si la domination américaine allait de soi. Ce double aveuglement pourrait être lourd de conséquences.
1. Le privilège du dollar… et ses limites
Le dollar reste la monnaie de réserve mondiale, utilisé dans plus de 88 % des transactions de change, et représentant plus de 60 % des réserves de change des banques centrales. Ce statut confère aux États-Unis un pouvoir exceptionnel : émettre de la dette à bas coût sans remettre en cause leur solvabilité. Mais cette domination est aujourd’hui contestée par la Chine, la Russie et les BRICS, qui cherchent à dédollariser leurs échanges. Si le dollar cesse d’être la devise dominante, les États-Unis devront emprunter à des taux réels compétitifs. Le choc pourrait être brutal.
2. La Fed : assurance tous risques… ou pompe à inflation ?
Depuis la crise de 2008, puis surtout depuis le Covid-19, la Réserve fédérale américaine rachète massivement de la dette publique. Ce quantitative easing permet d’injecter des liquidités dans le système et de soutenir la croissance. Mais cela accroît dangereusement la masse monétaire. En période de tension (guerre, pénuries, relocalisations), cela ravive l’inflation. On l’a vu entre 2021 et 2023 : +9,1 % d’inflation à l’été 2022. La Fed est alors piégée : remonter les taux affaiblit l’économie et renchérit la dette.
3. Goldman Sachs : prédatrice par système ?
En 2008, Goldman Sachs vendait à ses clients des produits financiers toxiques tout en spéculant à la baisse sur ces mêmes actifs. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En Grèce, Goldman a contribué à masquer l’endettement réel du pays au début des années 2000 via des montages de swaps de devises, permettant à Athènes d’entrer dans la zone euro en trichant sur ses comptes publics. Plus récemment, la banque a été lourdement impliquée dans le scandale du fonds souverain malaisien 1MDB, ayant facilité des opérations frauduleuses massives en échange de commissions. Elle a été condamnée à verser plus de 5 milliards de dollars d’amendes. Cette culture de l’impunité, dans une institution aussi influente, interroge sur la fragilité morale du système financier global.
4. Deutsche Bank et Trump : des zones grises
La Deutsche Bank, l’un des plus grands prêteurs européens, est également citée dans plusieurs enquêtes pour ses liens étroits avec Donald Trump, y compris après que d’autres banques aient cessé tout prêt à son empire. Les conditions, garanties et motivations réelles de ces financements sont encore aujourd’hui partiellement opaques. Là encore, sans basculer dans le complotisme, il est légitime de poser la question : pourquoi tant de grandes institutions bancaires, parfois en difficulté elles-mêmes, prennent-elles des risques inconsidérés au service d’intérêts particuliers ?
L’Europe doit se réveiller
Pendant ce temps, l’Europe demeure sous forte dépendance stratégique des États-Unis — en matière militaire, numérique, financière, énergétique. Par peur de heurter Washington ou par incapacité politique, elle n’engage pas les réformes nécessaires à son autonomie. Et pendant qu’elle parie sur un éventuel retour à la raison en 2028, le scénario d’une présidence J.D. Vance devient crédible. Dans cet environnement, les populismes progressent partout sur le continent, en miroir du désordre mondial. Ne rien faire revient à préparer sa propre marginalisation.