Du maccarthysme au trumpisme : Roy Cohn, le fil rouge de deux croisades contre la vérité

Introduction

Le maccarthysme des années 1950 fut une période sombre de la démocratie américaine. Nourrie par la peur du communisme, cette chasse aux sorcières orchestrée par le sénateur Joseph McCarthy marqua l’entrée de l’émotion et de la suspicion dans le débat public. Ce moment n’est pas sans rappeler le trumpisme contemporain : même méthode, même logique binaire, même mépris des faits. Entre ces deux époques, un personnage assure la continuité : Roy Cohn. Conseiller juridique de McCarthy puis mentor et avocat de Donald Trump, il incarne la brutalité politique, la manipulation et le cynisme. Ce lien n’est pas anecdotique. Il révèle une permanence des tentations autoritaires dans la culture politique américaine.

I. Joseph McCarthy : l’inventeur du populisme de l’ennemi intérieur

Le 9 février 1950, Joseph McCarthy affirme détenir une liste de communistes infiltrés au sein du Département d’État. Il ne montrera jamais la liste, mais déclenche une vague d’accusations, d’auditions et de carrières brisées. Avec son jeune assistant juridique Roy Cohn, il transforme le Sénat en tribunal idéologique. La peur du communisme, mêlée à une logique de spectacle, nourrit la paranoïa collective. La presse s’en fait l’écho, les victimes se multiplient, et le doute devient arme politique.

II. Roy Cohn, agent du cynisme : des tribunaux au salon doré de Trump Tower

Roy Cohn, né en 1927, devient rapidement une figure influente et redoutée du barreau new-yorkais. Sa devise : « Ne jamais admettre une erreur, contre-attaquer systématiquement, et attaquer plus fort encore ». Il applique cette méthode contre les témoins, les journalistes, les juges. Dans les années 1970, il devient l’avocat et mentor de Donald Trump, alors jeune promoteur immobilier. Il lui enseigne l’agressivité médiatique, la déformation des faits, et le mépris des normes. Trump dira plus tard : « Where’s my Roy Cohn? » pour se plaindre d’un ministre de la Justice jugé trop légaliste. Cohn meurt en 1986, mais son esprit, lui, survit.

III. Donald Trump : la revanche du maccarthysme par d’autres moyens

Avec Donald Trump, l’Amérique redécouvre les vieux ressorts du maccarthysme. Ennemis intérieurs, mensonges assumés, inversion accusatoire. Les journalistes sont qualifiés d’ennemis du peuple, les immigrés de menace pour la civilisation, les opposants de traîtres. Trump utilise Twitter comme McCarthy utilisait la télévision : pour diffuser des accusations sans preuves. L’État profond, les élites, les scientifiques deviennent des cibles. Les institutions sont contestées, la justice instrumentalisée. L’attaque du Capitole en janvier 2021 en est l’aboutissement logique.

IV. Mécanismes communs : peur, émotion, impunité

Le maccarthysme comme le trumpisme reposent sur trois piliers : la peur, l’émotion et l’impunité. La peur mobilise les foules. L’émotion disqualifie les faits. L’impunité devient une stratégie de pouvoir. Dans les deux cas, la vérité est sacrifiée à la fidélité politique. La cohésion du peuple est minée. Les institutions sont fragilisées de l’intérieur. La démocratie se défait sans que l’on s’en aperçoive tout de suite.

Conclusion : une démocratie rongée de l’intérieur

Roy Cohn n’a jamais été élu. Mais son influence dépasse celle de bien des élus. Il incarne une tradition souterraine de la politique américaine : le cynisme, le culte de la force, le refus du compromis. De McCarthy à Trump, la tentation autoritaire a changé de forme, mais pas de fond. C’est à la mémoire collective, et à la vigilance citoyenne, de briser ce cycle.

Citations

• Roy Cohn : « Don’t tell me what the law is. Tell me who the judge is. »

• Donald Trump : « Where’s my Roy Cohn? »

• Edward R. Murrow : « We must not confuse dissent with disloyalty. »

Roy Cohn entre deux mondes

Cette image composite met en scène Joseph McCarthy (à gauche), Roy Cohn (au centre) et Donald Trump (à droite), Cohn un trait d’union historique et idéologique entre les deux figures politiques.