L’autre face de la transition numérique
Chiffres-clés à retenir
- L’entraînement d’un modèle de type GPT-4 consommerait entre 700 MWh et 1 500 MWh selon les estimations.
- L’inférence continue représenterait d’ici 2026 plus de 50 % de la consommation électrique de l’IA générative.
- Google investit dans 7 réacteurs SMR pour alimenter certains de ses datacenters, suivi par AWS en raison de la consommation des IA génératives qu’ils développent.
- Les réserves mondiales d’uranium exploitables économiquement couvriraient environ 80 ans au rythme actuel.
- Plus de 60 % de l’uranium mondial est extrait dans trois pays : Kazakhstan, Canada, Australie.
- Un simple modèle symbolique (arbre de décision) consomme jusqu’à 500 fois moins qu’un LLM pour une tâche comparable.
1. L’illusion du coût unique : IA générative et consommation continue
Contrairement à une idée reçue, la majeure partie de l’énergie consommée par les IA modernes ne provient pas uniquement de leur entraînement initial, mais de leur phase d’usage quotidien. Les modèles comme GPT-4 sont sollicités en permanence pour des milliards de requêtes par jour. Cela mobilise des grappes entières de GPU à haute puissance, dont la consommation est constante et non négligeable.
2. Le nucléaire est-il durable ?
Le nucléaire est aujourd’hui perçu comme une énergie de transition incontournable, pilotable et faiblement carbonée. Mais sa durabilité est conditionnée à l’accès à l’uranium, ressource finie et géopolitiquement concentrée (Kazakhstan, Canada, Niger, Russie). Les réacteurs à neutrons rapides ou les filières au thorium restent encore expérimentaux, alors que la demande mondiale est en hausse.
3. Gouvernance, équité et tensions géopolitiques
Les enjeux énergétiques liés au calcul intensif exigent une coopération internationale renforcée. Sans des institutions globales fortes (comme l’ONU, l’AIEA ou une future autorité numérique mondiale), le contrôle des ressources critiques (uranium, données, puissance de calcul) pourrait devenir un vecteur de domination et de conflits. Un monde sans gouvernance partagée verrait émerger un apartheid technologique entre pays dominants et dominés.
4. Synthèse : trois vérités dérangeantes
| Réflexion | Croyance fréquente | Réalité observée |
| Consommation IA | C’est l’entraînement qui coûte le plus | L’usage continu (inférence) est plus lourd au global |
| Durabilité nucléaire | L’uranium est abondant et fiable | C’est une ressource finie, géopolitiquement concentrée |
| Gouvernance mondiale | Pas indispensable | Essentielle pour éviter les conflits de ressources et l’injustice technologique |
5. Tableau synthétique des ressources énergétiques
| Source | Abondance | Localisation géopolitique | Durabilité long terme |
| Uranium (U235) | Limitée (~80 ans) | Kazakhstan, Canada, Russie | Faible sans surgénérateurs |
| Thorium | 3x plus abondant | Inde, Chine, Australie | Potentiellement élevée |
| Électricité verte (solaire/éolien) | Variable | Locale selon conditions géographiques | Théoriquement infinie |
Gouvernance ou guerre ?
Sans un cadre de coopération internationale solide, les défis de la transition numérique et énergétique pourraient exacerber les inégalités, générer des conflits et compromettre l’accès équitable aux ressources critiques. Une régulation mondiale de l’IA, de l’énergie et des matières premières n’est plus une option morale : c’est une nécessité stratégique.
La technologie, qu’elle soit quantique, nucléaire ou algorithmique, ne garantit aucune justice par elle-même. Sans gouvernance mondiale solide, nous risquons de basculer vers un monde d’apartheid technologique, de chantages énergétiques, et de fractures géopolitiques irréversibles.
La coopération, la transparence et la régulation multilatérale ne sont pas des options idéales : elles sont la condition de survie d’une planète pacifiée, partagée et interconnectée.