Avant propos: Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle (IA) n’est pas une conscience, ni une pensée autonome. C’est un ensemble d’algorithmes mathématiques permettant à une machine de traiter des données, de détecter des régularités, et d’en tirer des réponses ou des prédictions. Rien de magique : des statistiques, des matrices et beaucoup de calculs.
1. Les bases algorithmiques : calcul, pondération, ajustement
Au cœur de nombreuses IA modernes se trouvent les réseaux de neurones artificiels, inspirés très grossièrement du cerveau biologique. Ils reposent sur :
– Des neurones artificiels : de petites unités mathématiques qui reçoivent plusieurs entrées numériques (données), chacune multipliée par un poids.
– Une fonction d’activation (souvent sigmoïde ou ReLU) qui détermine si le neurone « s’active ».
– Un ajustement automatique des poids via un processus appelé rétropropagation (backpropagation), qui utilise le calcul matriciel pour corriger les erreurs à partir du résultat final.
L’ensemble est entraîné sur des données massives, et affine progressivement ses prédictions pour minimiser l’erreur.
2. Les différents types d’IA
| Type d’IA | Description |
| IA classique | Fondée sur des règles explicites (if/then), des arbres de décision ou des moteurs logiques. Performante mais rigide. |
| IA statistique / machine learning | Apprend à partir de données. Inclut des algorithmes comme régression, forêts aléatoires, SVM, etc. |
| Réseaux de neurones profonds (deep learning) | IA qui traite des données complexes (images, textes) via de multiples couches de neurones. |
| IA générative | Produit du contenu (texte, image, son) à partir d’un modèle entraîné. Ex : GPT, DALL·E, MidJourney. |
| LLM (Large Language Models) | Modèles de traitement du langage, comme GPT, BERT ou Claude, capables de générer, résumer, traduire du texte. |
| IA hybride | Combine plusieurs approches (symbolique + statistique), ou mélange IA et règles humaines. Vise à compenser les limites des modèles neuronaux. |
Ce que l’IA n’est pas
– Une entité consciente.
– Un système infaillible.
– Un juge neutre ou moral.
– Un remplaçant universel de l’intelligence humaine.
Ce que l’IA est
– Un outil calculatoire puissant.
– Un système adaptatif reposant sur des pondérations numériques.
– Une technologie à fort pouvoir de renforcement cognitif : elle peut éclairer ou déformer selon son calibrage.
Même si les briques mathématiques sont bien comprises, la complexité de certaines architectures, le volume des données et les millions de paramètres rendent parfois le raisonnement global difficile à tracer. Cela pose notamment problème dans les domaines sensibles (justice, médecine, finance) où l’explicabilité reste une exigence démocratique.
Introduction
Le retour au pouvoir de Donald Trump coïncide avec une accélération spectaculaire des capacités de l’intelligence artificielle. Or, ce rapprochement n’est pas anodin : dans un monde où l’information devient instantanée, synthétique et prédictive, le contrôle du récit public par des outils d’IA pourrait renforcer – et légitimer – les dérives d’un pouvoir cynique ou populiste. Quand un chef d’État multiplie les déclarations outrancières et mensongères, et que ces récits sont amplifiés sans filtre par des IA mal calibrées, la démocratie elle-même se trouve menacée non plus frontalement, mais insidieusement – par délégation algorithmique.
1. Le risque de légitimation algorithmique
Une IA peut, par construction, reformuler, simplifier, synthétiser un discours – y compris lorsqu’il est mensonger. Dans une société saturée d’information, la capacité à produire des messages courts, clairs et répétés est décisive. Une IA mal calibrée ne questionne pas l’origine d’une idée : elle peut reproduire et reformuler des récits biaisés, tout en leur conférant un vernis de rationalité ou de cohérence logique.
2. Exemples récents : le spectacle avant la raison
Deux déclarations récentes de Donald Trump illustrent ce risque :
– « La guerre en Ukraine, ce n’est pas moi, c’est Biden. »
– « Je vais créer un stade d’UFC dans les jardins de la Maison Blanche. »
La première est une stratégie de désengagement narratif : Trump nie toute responsabilité géopolitique, en inversant les rôles historiques. La seconde est une forme de désacralisation extrême de l’espace institutionnel, au profit d’un marketing populiste spectaculaire. Ces éléments, repris par une IA non critique, deviennent des vérités opérationnelles dans l’espace numérique.
3. L’effet de renforcement cognitif
Une IA comme GPT peut adapter son discours à l’utilisateur. Si celui-ci croit à un complot, à un récit déformé ou à une idéologie extrême, l’IA risque, si mal calibrée, de le conforter en reformulant ses idées sous une forme plus structurée. Loin d’éduquer, elle valide – et parfois amplifie – les dérives intellectuelles. Ce mécanisme est encore plus redoutable s’il est intentionnellement programmé.
4. Pour une gouvernance démocratique de la calibration
Le calibrage des intelligences artificielles ne peut rester entre les mains d’un seul homme ou d’une entreprise aux intérêts opaques. Il doit faire l’objet d’une gouvernance pluraliste, transparente, avec des comités éthiques indépendants et des mécanismes de redevabilité publique. Une IA contrôlée par un pouvoir cynique peut faire basculer l’opinion par glissement, sans violence apparente, par la seule dynamique algorithmique.
IA et distorsion du vrai
Contrairement à une encyclopédie, une IA générative comme ChatGPT ne cite pas des faits figés mais produit du texte à partir de corrélations statistiques. Si elle est exposée majoritairement à des récits biaisés (par choix ou par défaut), elle peut générer des réponses incorrectes mais cohérentes en apparence. Ce biais de confirmation algorithmique peut être exploité par des régimes politiques pour renforcer leurs propres récits. La vigilance doit donc porter sur la sélection des sources, la pluralité des points de vue intégrés à l’entraînement, et la capacité de l’IA à dire : « je ne sais pas ».
Conclusion
Une démocratie ne meurt pas toujours par les armes, ni par la censure directe. Elle peut s’éroder quand la réalité elle-même devient une matière molle, manipulée par des outils invisibles, réactifs, et puissants. Une IA dans les mains d’un pouvoir cynique est plus dangereuse qu’un simple mensonge : elle devient la fabrique continue de récits convaincants, adaptés, validés.
Il est urgent que la société civile, les chercheurs, les juristes et les citoyens s’approprient le débat sur la gouvernance de ces intelligences. Ne pas le faire, c’est déléguer l’esprit critique à des algorithmes qui peuvent être configurés… pour l’éteindre.