La défense NBC : illusion stratégique ou trahison morale ?

Par un ancien appelé devenu citoyen lucide

Depuis quelque temps, les images de missiles, de frappes préventives et de tensions nucléaires saturent nos écrans. Les médias parlent d’Iran, d’Israël, de bombes à uranium enrichi, d’armes chimiques présumées, de stocks secrets. À mesure que cette information s’accélère, une vieille question me revient — non pas issue d’un traité stratégique, mais d’un souvenir personnel.

Une question naïve… ou essentielle ?

En 1983, lors de mon service militaire, j’ai reçu comme mes camarades une formation NBC : nucléaire, biologique, chimique. L’objectif était clair : apprendre à enfiler en quelques secondes un masque à gaz, une combinaison étanche, à se replier ou à riposter. Un lieutenant, plein d’entrain martial, nous exhortait à la rapidité et à la discipline.

Je posai une question, qui me valut un regard désapprobateur :

« Mon Lieutenant, pourquoi devons-nous nous protéger ? »

La réponse tomba sans hésitation :

« Pour continuer à combattre et protéger votre patrie ! »

Je répondis alors, sans provocation mais avec sincérité :

« Mon Lieutenant, qu’est donc la patrie sans ses habitants, qui eux, n’ont pas d’équipement de protection ? »

Le silence qui suivit fut éloquent. Je ne l’ai jamais oublié.

Une défense qui exclut… n’est pas une défense

Cette scène, anodine en apparence, m’est revenue avec force à l’heure où des centres de recherche biologique ou chimique — comme celui de Ness Ziona en Israël ou de Porton Down au Royaume-Uni — réapparaissent dans les débats géopolitiques.

Ces institutions se disent « défensives ». Elles testent des virus, simulent des attaques, préparent des contre-mesures. Mais pour qui ? Dans quelles conditions ? Avec quelle transparence ?

Une véritable stratégie défensive devrait :

• informer la population,
• la former aux gestes utiles,
• démocratiser les moyens de protection,
• s’inscrire dans un effort multilatéral de désarmement préventif.

Or, tout est caché. Tout est classé. Et au nom de la défense, seuls quelques-uns savent comment survivre — ou espèrent y parvenir.

Le cynisme de la dissuasion

On connaît le cynisme de la dissuasion nucléaire : « si tu m’attaques, je t’annihile ». Mais dans le cas des armes biologiques et chimiques, la défense officielle est encore plus fragile. Elle prétend :
• ne jamais vouloir utiliser ces armes,
• mais en comprendre le fonctionnement pour s’en protéger,
• tout en refusant d’ouvrir ces recherches aux contrôles internationaux.

Ce double langage ne sert pas la sécurité : il alimente la suspicion, nourrit la course à l’armement, et met la population civile en position d’impuissance.

Démocratie et survie : un devoir d’éthique

La démocratie, si elle veut être autre chose qu’un vernis institutionnel, ne peut pas fonder sa sécurité sur des pratiques qui excluent la majorité des citoyens de la compréhension des risques réels.  
Elle ne peut pas non plus se contenter d’un monopole militaire du savoir et de la survie, surtout lorsqu’il s’agit d’armes qui frappent sans discernement, souvent en silence, parfois longtemps après l’exposition.

L’arme biologique, l’arme chimique, comme l’arme nucléaire tactique, sont les instruments d’une folie froide, que la rhétorique de la « protection » ne suffit plus à justifier.

Une conclusion personnelle

Je ne suis ni stratège, ni militaire. Mais je suis un citoyen, un père, un grand-père. Et je persiste à penser qu’une défense qui protège les élites et expose les autres n’est pas une défense mais une trahison.