Il y a quelque chose d’étouffant, voire de révoltant, à voir certains journalistes européens exprimer aujourd’hui une forme d’admiration pour Donald Trump. Qu’il s’agisse de Darius Rochebin ou d’autres commentateurs, la rhétorique a changé : Trump n’est plus présenté comme une anomalie, mais comme un gagnant. On vante sa stratégie, son efficacité, son sens politique. Comme si gagner suffisait à justifier le reste. Comme si la brutalité — économique, médiatique, diplomatique — était devenue une vertu.
1. Gagner n’est pas une qualité morale
Gagner une élection, imposer des tarifs douaniers, menacer une alliance ou un partenaire économique ne suffit pas à faire d’un homme un modèle. L’Histoire est remplie de figures qui ont « gagné » en foulant au pied les principes de droit, de justice et de solidarité. Faut-il admirer César, Napoléon ou Staline au seul motif de leur puissance ?
Ce que certains journalistes nomment « intelligence politique » n’est parfois que la version tactique de l’intimidation. Une confusion inquiétante entre la ruse du prédateur et la clairvoyance du sage.
2. L’abus de position dominante : un miroir de notre décadence morale
Il n’y a rien à admirer dans un rapport de force déséquilibré. Un homme qui bat sa femme, une femme qui bat son enfant, une nation qui en écrase une autre, c’est toujours le même mécanisme : l’abus de pouvoir au profit d’une gratification éphémère. Et pourtant, nous en sommes devenus spectateurs silencieux, voire complices.
Le chantage exercé par les États-Unis sur l’Union européenne à propos des taxes sur les GAFA est un cas d’école. En menaçant d’imposer des droits de douane prohibitifs sur les voitures européennes si nous osons taxer leurs géants du numérique, Trump agit en racketteur, pas en allié. Et que faisons-nous ? Rien. Ou si peu.
3. L’Europe humiliée, l’Europe impuissante ?
L’Union européenne est une puissance économique mais reste un nain politique. Cette disproportion nous rend vulnérables à tous les chantages, à toutes les intimidations. Tant que nous n’aurons pas construit une véritable souveraineté stratégique — y compris numérique et militaire — nous resterons sous influence.
La question dépasse Trump : c’est notre capacité à exister collectivement qui est en jeu. Et il est triste de constater que certains commentateurs européens semblent désormais résignés à cette vassalisation consentie.
4. Quand les médias flattent la force
Le rôle des médias n’est pas d’applaudir celui qui réussit, mais d’interroger les moyens et les conséquences de cette réussite. Louer Trump au nom de son efficacité politique, c’est comme admirer un boxeur qui triche parce qu’il gagne. C’est perdre le sens des valeurs, céder à la fascination pour la brutalité.
Conclusion
La brutalité n’est pas un modèle. L’intimidation n’est pas une politique. Et l’Europe ne devrait pas accepter d’être humiliée sous prétexte de réalisme géopolitique. Il est temps de réveiller notre lucidité, notre fierté, et de cesser de confondre domination et autorité.
Un jour, peut-être, admirerons-nous à nouveau ceux qui élèvent plutôt que ceux qui écrasent.