La politisation silencieuse des institutions de contrôle : alerte démocratique

Les institutions de contrôle comme le Conseil d’État ou la Cour des comptes sont censées garantir la rigueur et la neutralité dans l’application et l’évaluation des politiques publiques. Mais depuis plusieurs années, un phénomène de politisation douce — souvent imperceptible pour le grand public — remet en cause cette neutralité. Le constat est préoccupant : ces institutions, jadis discrètes, deviennent des acteurs visibles, incarnés par d’anciens responsables politiques. Ce glissement est loin d’être anodin.

1. Le Conseil d’État : juge et partie ?

Le Conseil d’État, en tant que conseiller juridique du gouvernement et juge suprême de l’ordre administratif, cumule deux rôles qui devraient rester cloisonnés. Pourtant, ses membres sont souvent issus de la haute fonction publique, parfois même anciens ministres ou collaborateurs politiques. Le recrutement interne, très majoritairement issu de l’ENA (désormais INSP), renforce le risque d’une homogénéité de pensée et d’une loyauté implicite envers le pouvoir.

La possibilité de nommer des membres en « service extraordinaire » ouvre en outre la voie à des nominations politiques. Ainsi, d’anciens ministres ou députés peuvent rejoindre le Conseil d’État, souvent à la faveur de leur réseau ou de leur proximité partisane, brouillant un peu plus la frontière entre conseil juridique et engagement politique.

2. La Cour des comptes : de la réserve à la représentation

Traditionnellement, la Cour des comptes s’exprimait peu publiquement. Elle publiait ses rapports, parfois critiques, mais ses premiers présidents restaient en retrait. Avec l’arrivée de Pierre Moscovici en 2020, ancien ministre PS et commissaire européen, ce silence prudent a laissé place à une communication active, notamment sur les plateaux de télévision.

Pierre Moscovici commente désormais les rapports, multiplie les apparitions dans les médias et personnalise la parole de l’institution. Ce changement de posture soulève une question simple : une autorité de contrôle peut-elle encore être perçue comme indépendante si elle devient actrice visible du débat politique ?

3. Une nomination qui interroge : Najat Vallaud-Belkacem

La nomination de Najat Vallaud-Belkacem comme conseillère maître à la Cour des comptes en juillet 2025 a relancé le débat. Ancienne ministre socialiste, épouse du président du groupe PS à l’Assemblée nationale, elle symbolise l’entrée assumée de figures politiques au sein des institutions juridictionnelles. Même si elle possède les titres requis, cette décision ne peut qu’alimenter le soupçon de partialité.

4. Une tendance structurelle inquiétante

Cette politisation discrète n’est pas un hasard. Elle s’explique par plusieurs facteurs : la concentration du pouvoir dans les mêmes grandes écoles, la circulation fluide entre sphère politique et haute administration, et le besoin pour les anciens ministres de rester visibles dans l’espace public.

Ce phénomène n’est pas propre à un parti ou à une période : il reflète un glissement culturel où les fonctions de contrôle deviennent elles-mêmes des tremplins ou des refuges politiques. Et ce glissement menace directement la crédibilité des institutions garantes de l’État de droit.

Conclusion

La démocratie repose sur un équilibre fragile entre pouvoir et contre-pouvoir. Si ceux qui doivent surveiller deviennent eux-mêmes des figures du pouvoir, la boucle est bouclée — et l’autocontrôle remplace l’examen indépendant. Il est temps de repenser les conditions de nomination, de renforcer les règles de séparation, et de redonner à ces institutions le droit de servir la République… sans servir un camp.