*Relire Hannah Arendt pour comprendre la crise politique et médiatique en France*
Article rédigé le 03 June 2025

Portrait est signé Mme Soazig de la MOISSONNIÈRE, photographe de la Présidence.
Introduction
Les violences récentes survenues en marge de la victoire du PSG illustrent, une fois encore, un phénomène inquiétant : la lecture quasi univoque de la société française à travers le prisme de la peur, de l’insécurité, et de la réaction émotionnelle. À ces événements s’ajoute une réaction politico-médiatique où le pouvoir semble répondre davantage aux affects qu’aux faits. Pour comprendre cette dynamique, il est éclairant de se tourner vers la philosophe Hannah Arendt. À travers ses textes regroupés dans « Du mensonge à la violence », Arendt offre une grille de lecture puissante sur les rapports entre pouvoir, autorité et violence.
Pouvoir, autorité et violence selon Arendt
Arendt distingue trois notions souvent confondues : le pouvoir, l’autorité et la violence. Le pouvoir naît de l’action collective, du consentement et de la parole partagée. L’autorité repose sur une légitimité historique ou institutionnelle. La violence, quant à elle, intervient quand ni le pouvoir ni l’autorité ne sont en mesure d’assurer l’ordre.
Lorsque le pouvoir perd sa légitimité – qu’il ne convainc plus – et que l’autorité est remise en cause, l’État n’a plus d’autre recours que la coercition. Pour Arendt, la violence est donc toujours un signe de faiblesse politique.
La France, symptôme d’un pouvoir sans reconnaissance ?
La France n’est pas une exception dans les faits de violences post-manifestation ou célébration. Mais elle semble l’être dans la façon dont ces événements sont lus, relayés, instrumentalisés. La presse française, très politisée, a souvent joué un rôle amplificateur, construisant un récit de l’ensauvagement plus que de la cohésion. Cela participe à créer un climat de défiance qui pousse les gouvernants à réagir davantage pour rassurer l’opinion que pour construire des solutions durables.
Le cas Macron : une autorité sapée dès l’origine
Élu en rupture avec les partis traditionnels, Emmanuel Macron a incarné une promesse de renouveau, articulée autour du pragmatisme et du dépassement du clivage gauche-droite. Pourtant, il a rapidement été confronté à une forme de dénigrement médiatique massif, souvent irrespectueux, dès le début de son mandat. Ses discours, pourtant construits et lisibles, ont été systématiquement qualifiés d’opaques, voire arrogants. Ce rejet initial n’a cessé de miner son autorité symbolique. L’opposition n’a pas cherché à débattre mais à délégitimer.
Une démocratie qui ne croit plus à la parole
La parole présidentielle est aujourd’hui démonétisée. Non parce qu’elle serait vide, mais parce que l’écoute collective a disparu. Les boucles médiatiques, les réactions politiques instantanées, les réseaux sociaux, forment un bruit de fond qui interdit toute construction de confiance. Arendt écrivait que la vérité en politique ne peut survivre sans institutions indépendantes ni citoyens désireux d’agir ensemble. Or, en France, la défiance semble devenue la norme, et le pouvoir ne peut plus se passer de la contrainte pour être entendu.
Conclusion : restaurer une autorité sans violence ?
Le défi n’est pas seulement sécuritaire : il est profondément démocratique. Il s’agit de reconstruire un pouvoir légitime, écouté, respecté — sans qu’il ait à imposer. Cela implique une presse responsable, une opposition honnête, un électorat moins guidé par la peur. Et une parole présidentielle qui retrouve sa valeur. Arendt nous rappelle que la violence est la fin du politique ; la restauration de l’autorité, au contraire, est sa renaissance.