Le rêve américain : mythe consolateur, outil de domination et impasse géopolitique

Écrit le 28 juillet 2025

« Un mythe, c’est ce à quoi on croit quand on n’a plus les moyens de croire à la réalité. » — librement inspiré de Hannah Arendt

1. Le rêve américain : mythe nécessaire pour conjurer l’échec

Pendant plus d’un siècle, le rêve américain a tenu lieu de religion civique. Il offrait : 

  • un sens à la pauvreté temporaire,
  • un espoir de promotion sociale,
  • et une justification morale au capitalisme débridé.

Mais aujourd’hui, il ne reste souvent qu’un mirage. Les États-Unis connaissent : 

  • une stagnation de la mobilité sociale,
  • des inégalités abyssales,
  • et une désillusion générationnelle croissante.

Ce rêve permet pourtant d’éviter le désespoir. Il fonctionne comme une promesse de rédemption individuelle : « Si tu échoues, ce n’est pas le système — c’est toi. »

2. Trump : le manipulateur de rêve

Donald Trump incarne le détournement cynique du rêve américain : 

  • Il prétend incarner la réussite issue du mérite, alors qu’il est né millionnaire.
  • Il vante son patriotisme économique, alors que ses produits sont manufacturés en Chine.
  • Il se dit persécuté par un « État profond », alors qu’il a nommé la plupart des hauts fonctionnaires en question.

Trump tord les faits pour convaincre que ses décisions sont bonnes par essence, même sans résultat : 

  • Le mur n’est pas construit ? → « L’État profond m’en a empêché. »
  • Le déficit commercial reste massif ? → « C’est la faute de l’Europe, qui nous vole. »
  • L’inflation explose après ses droits de douane ? → « Les élites mentent. »

Le mythe devient un mécanisme d’immunisation contre les faits. Plus les résultats sont décevants, plus la croyance s’accroche à un complot interne.

3. L’Euro-bashing comme carburant du rêve américain

Pour que le rêve américain paraisse vivant, il faut un contre-exemple. Pendant longtemps :

  • le soviétisme a joué ce rôle,
  • puis la Chine est devenue le nouvel adversaire,
  • mais l’Europe reste le parfait bouc émissaire mou : trop réglementée, trop sociale, trop pacifique, trop critique des États-Unis.

On moque :

  • les grèves françaises,
  • les impôts suédois,
  • le vieillissement allemand,
  • la lenteur italienne.

Mais ce mépris cache une angoisse existentielle : l’Europe propose un modèle alternatif — moins inégalitaire, plus collectif, plus humain, malgré ses imperfections.

4. L’aveuglement militaire : la fuite en avant permanente

Depuis 1945, les États-Unis ont engagé des dizaines de conflits armés :

  • Corée : statu quo.
  • Vietnam : défaite.
  • Afghanistan : 20 ans de guerre pour rien.
  • Irak : chaos.
  • Syrie, Libye, Sahel : désengagement sans stratégie.

Et pourtant, la croyance en la toute-puissance militaire demeure intacte. « Si nous avons perdu, c’est parce que les autres n’ont pas suivi, pas parce que nous avions tort. »
Le rêve américain militaire, comme le rêve économique, ne survit que par l’oubli volontaire du réel.

5. Conclusion : Un mythe en décomposition… mais toujours vivant

Le rêve américain ne correspond plus à la réalité économique, sociale, ni militaire des États-Unis. Mais il reste :

  • un levier politique pour les populistes,
  • un opium civique pour les classes moyennes,
  • et un moteur idéologique pour affaiblir l’Europe.

Tant qu’aucune narration alternative ne sera proposée — ni par l’Europe, ni par les intellectuels américains — le mythe survivra.

Ce que montrent les chiffres

IndicateurÉtats-UnisEurope (moyenne)
Mobilité sociale (OCDE)FaibleMoyenne à forte
Taux d’accession à la propriété <35 ans< 40 %> 55 %
Espérance de vie (2023)76 ans82 ans
Taux de pauvreté infantile17 %11 %
Confiance dans le gouvernement18 %42 % (France : 33 %)