Je vous écris, non pour me plaindre, ni pour donner des leçons, mais pour transmettre ce que l’expérience m’a appris — parfois durement, souvent silencieusement.
Je fais partie d’une génération charnière. Celle qui a connu les longues semaines de travail, les déplacements fréquents, les horaires sans fin, les responsabilités sans filet. Nous avons cru — sincèrement — que c’était ainsi que se construisait une vie digne, utile, respectable. Nous avons travaillé dur, parfois jusqu’à l’épuisement, et ce travail a structuré notre identité.
Mais avec le recul, je sais que ce travail a eu un prix. Un prix invisible pour les autres, mais réel pour moi et pour ceux que j’aimais. Il y a eu les anniversaires manqués, les moments partagés envolés, l’absence parfois plus lourde que le silence. Ce n’est pas un regret amer, c’est un constat lucide.
Aujourd’hui, je vois les jeunes générations — mes enfants, mes petits-enfants — aspirer à autre chose. À une vie plus équilibrée. À ne pas sacrifier la vie privée sur l’autel de la carrière. À préserver leur santé, leur temps, leurs liens. Et je les comprends. Je crois même qu’ils ont raison.
Mais je voudrais dire ceci : si l’on aspire à une vie plus douce, plus libre, plus humaine, alors il faut aussi revoir ce que l’on attend du monde. On ne peut pas vouloir moins travailler et garder le même niveau de consommation, le même confort matériel, le même rythme collectif. La liberté se paie. Le temps se choisit. Le bien-être suppose parfois la sobriété.
Ce n’est pas une critique. C’est un appel à la cohérence. Vous avez raison de chercher un nouvel équilibre. Mais ne vous y trompez pas : ce que nous avons bâti — infrastructures, protections sociales, industries, services — s’est construit sur des efforts, souvent silencieux, parfois ingrats, mais constants.
Alors que vous inventez votre avenir, je vous transmets ce simple message : vivez mieux, oui. Mais vivez en conscience. Choisissez, mais assumez. Réduisez le travail, si c’est votre choix, mais sachez aussi réduire vos attentes. Et surtout, gardez en vous l’estime de ceux qui ont donné sans toujours compter, parce que c’était leur façon d’aimer et de croire en l’avenir.
Avec toute ma bienveillance,
Un homme qui a beaucoup travaillé.