Leurre de paix : pourquoi la proposition russe de reprendre les négociations d’Istanbul n’est qu’une manœuvre politique

Le 15 mai 2025, Vladimir Poutine a publiquement déclaré vouloir reprendre les négociations entamées à Istanbul en mars 2022 pour parvenir à la paix en Ukraine. Cette annonce, présentée comme une ouverture diplomatique, intervient dans un contexte de guerre prolongée et d’enlisement stratégique. Mais cette main tendue n’est en réalité qu’un artifice politique destiné à renverser la charge de la guerre : faire passer les Ukrainiens pour les seuls responsables du conflit. Une analyse des faits militaires, constitutionnels et géopolitiques montre que cette proposition est aujourd’hui vide de sens.

Les négociations d’Istanbul : un moment suspendu

En mars 2022, après un mois de guerre, des négociateurs ukrainiens et russes se sont rencontrés à Istanbul, sous médiation turque. Les discussions avaient atteint un niveau relativement avancé : l’Ukraine proposait un statut de neutralité accompagné de garanties de sécurité multilatérales (États-Unis, Royaume-Uni, Turquie, etc.), en échange du retrait russe. La Russie accueillait favorablement le principe, tout en exigeant la reconnaissance de l’annexion de la Crimée et l’indépendance des républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk.

Marioupol et la mer d’Azov : un objectif stratégique non négociable

Dès mars 2022, Marioupol était assiégée. La ville représentait un verrou stratégique pour Moscou : permettre un corridor terrestre entre le Donbass et la Crimée, sécuriser l’accès à la péninsule sans dépendre du pont de Kertch, et transformer la mer d’Azov en mer intérieure russe. Même au moment des négociations, il était évident pour les analystes que la Russie ne céderait jamais cet axe vital. C’est cette incohérence entre les objectifs affichés par les diplomates et les réalités militaires sur le terrain qui rendait tout accord bancal.

L’annexion constitutionnelle : verrouillage par la loi

En septembre 2022, la Russie organise des référendums dans quatre régions ukrainiennes occupées : Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson. Le 30 septembre, Vladimir Poutine signe leur annexion officielle à la Fédération de Russie. La Douma et le Conseil de la Fédération ratifient les traités, et la Constitution russe est modifiée pour intégrer ces territoires comme sujets fédéraux, au même titre que la Tchétchénie. Il est désormais juridiquement impossible pour un président russe de restituer ces territoires sans violer sa propre Constitution. Or, aucune négociation sérieuse ne peut avoir lieu sans traiter de la souveraineté sur ces zones.

Une proposition russe sans fondement réel

En mai 2025, la Russie se présente en fausse promotrice de paix. En réalité, elle exige que les négociations reprennent sans retrait préalable de ses troupes, sans remise en question de ses annexions et en maintenant les combats. Cette posture vise à inverser la logique de responsabilité : accuser l’Ukraine de refuser la paix, alors que les conditions d’un véritable compromis ont été rendues impossibles par Moscou elle-même. C’est une manœuvre politique, non une main tendue.

Conclusion

Le cadre même des négociations d’Istanbul est aujourd’hui caduc. La Russie a, depuis 2022, verrouillé toute possibilité de compromis territorial, tout en poursuivant une guerre d’occupation et de destruction. Sa proposition de reprendre les discussions n’est qu’un écran de fumée destiné à brouiller les responsabilités. La paix passera peut-être un jour par la négociation, mais certainement pas sur les bases d’une fiction diplomatique.