
Réflexion critique sur les biais attribués à l’IA
Les IA ne sont pas conscientes : elles amplifient ce qu’on leur donne
Lorsque Natacha Polony affirme que « ChatGPT et autres IA ont des biais sociologiques ou idéologiques », elle confond deux choses fondamentales :
– Les biais d’entraînement (data bias), issus du contenu sur lequel l’IA a été formée ;
– Les biais d’usage (prompt bias), induits par les formulations des utilisateurs eux-mêmes.
En réalité, une IA générative n’a ni intention propre, ni volonté idéologique. Elle reflète, par prédiction statistique, les contenus présents dans les corpus d’apprentissage — avec des garde-fous pour filtrer ou neutraliser certains excès.
Les biais sont d’abord humains
Les biais ne viennent ni d’une volonté propre de l’IA, ni d’un complot orchestré par ses concepteurs. Ils viennent :
1. des données textuelles disponibles (Internet, livres, articles, forums…),
2. des filtres éditoriaux, sociaux et culturels des sources,
3. des choix faits par les humains (échantillonnage, exclusions, corrections).
Ce que vous soulignez est juste : les IA nous tendent un miroir — elles révèlent, plus qu’elles ne créent, les biais déjà présents dans la société.
Post-traitement : un effort d’éthique, pas de censure politique
OpenAI, comme d’autres entreprises responsables, ajoute des couches de sécurité (appelées « alignment layers », ou « postprocessing ») pour :
– éviter la production de propos haineux, racistes, sexistes, violents,
– protéger les utilisateurs d’une mauvaise interprétation de réponses,
– neutraliser certains biais systémiques issus de la prédominance de certains discours (ex : surreprésentation des États-Unis dans les données anglophones).
Cela n’est pas un « lavage idéologique », mais une tentative de modération, équivalente à ce que tout rédacteur responsable appliquerait.
Grok et les dérives de Musk : un cas d’école
L’IA Grok, de la société xAI (Elon Musk), a été entraînée en partie sur les contenus du réseau X (anciennement Twitter) — une plateforme notoirement saturée de propos haineux, complotistes ou extrémistes, malgré des discours de « liberté d’expression totale ».
Résultat ?
– Plusieurs démonstrations publiques de Grok ont montré des propos à caractère xénophobe ou sexiste.
– Musk, sous couvert d’anti-censure, ignore sciemment les risques de biais toxiques et refuse tout encadrement éthique rigoureux.
Ce n’est pas l’IA qui est biaisée, mais la culture dans laquelle elle baigne — et ceux qui la conçoivent sans garde-fous.
Liberté d’expression – droit fondamental ou arme de subversion ?
Les promoteurs de certaines IA non filtrées, comme Elon Musk ou les figures du courant libertarien-populiste (Trump, Tucker Carlson, Javier Milei…), invoquent régulièrement la liberté d’expression comme un rempart contre toute régulation des contenus numériques. Pourtant, cette liberté — garantie par de nombreuses constitutions démocratiques — n’est pas un droit illimité.
En démocratie, la liberté d’expression :
– protège les opinions minoritaires, les critiques du pouvoir, la liberté de la presse ;
– s’arrête là où commence la haine, la désinformation volontaire, ou l’appel à la violence ;
– doit servir le débat public éclairé, et non l’instrumentalisation de la peur ou des clivages.
Or, ce qu’on observe aujourd’hui, c’est que les discours brandissant la liberté d’expression comme absolu sont souvent eux-mêmes anti-démocratiques : ils polarisent, caricaturent, essentialisent les différences (origine, genre, croyance), et sapent le socle du bien commun.
En somme, défendre la liberté d’expression sans responsabilité ni finalité civique, c’est lui faire perdre son sens. Ce n’est pas une défense de la démocratie, mais un cheval de Troie contre elle.