Promesses, réalités et raccourcis médiatiques : l’exemple des fonctionnaires sous Macron

Introduction

Dans une époque marquée par une défiance croissante envers les responsables politiques, les promesses de campagne non tenues sont souvent utilisées comme armes rhétoriques. L’exemple de l’augmentation du nombre de fonctionnaires sous la présidence d’Emmanuel Macron, en contradiction apparente avec sa promesse de campagne de 2017, en est une illustration frappante. Mais que se passe-t-il si l’on prend le temps d’examiner les faits, les circonstances et les ajustements qui ont jalonné ce quinquennat ?

La promesse de 2017 : -120 000 fonctionnaires

Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé à réduire les effectifs de la fonction publique de 120 000 postes : 50 000 pour la fonction publique de l’État, et 70 000 pour les collectivités territoriales. Cette promesse s’inscrivait dans une logique de rationalisation et de modernisation, sans toucher aux secteurs sensibles comme la santé ou la sécurité.

Le constat 2022 : +178 000 agents publics – vrai ou faux problème ?

À la fin du quinquennat, les chiffres montrent une hausse nette de près de 178 000 agents dans l’ensemble de la fonction publique. Une lecture rapide en conclut que la promesse a été trahie, et que le président est discrédité. Mais une telle lecture ignore les circonstances majeures qui ont justifié cet écart.

Les trois causes majeures de l’écart

1. La crise sanitaire et le Ségur de la Santé

L’épidémie de Covid-19 a bouleversé toutes les prévisions. Le gouvernement a dû recruter massivement dans les hôpitaux publics pour faire face à la crise. Le ‘Ségur de la Santé’ a officialisé cette augmentation d’effectifs, soutenue par une revalorisation des salaires et des moyens alloués aux établissements de santé.

2. Une demande sociale forte

Dans les domaines de la sécurité, de l’éducation et de la santé, la pression sociale a été intense : les citoyens ont exigé plus de policiers, plus d’infirmiers, plus d’enseignants. Le gouvernement a répondu à ces attentes en augmentant les effectifs dans ces secteurs, notamment dans l’éducation nationale.

3. La démographie de la fonction publique

Une part significative des agents publics partant à la retraite a été remplacée, pour éviter l’effondrement de services essentiels. Ces remplacements ont limité la marge de réduction initialement envisagée. De plus, la pyramide des âges dans la fonction publique nécessitait des ajustements continus.

Pourquoi ce n’est pas une trahison mais un ajustement

L’écart entre la promesse et le résultat n’est pas nécessairement le fruit d’un mensonge. Il est le reflet d’une réalité mouvante, d’un contexte évolutif et d’une gouvernance qui a dû arbitrer entre dogme et urgence. Réduire une telle situation à un manquement moral affaiblit le débat démocratique et empêche toute analyse rationnelle.

Le rôle (et la dérive) de l’information continue

La presse d’information en continu, en recherche constante d’impact et de rapidité, préfère les raccourcis aux explications. Elle transforme une promesse non tenue en faute morale, sans explorer les causes structurelles ni les réponses apportées aux crises. Ce traitement contribue à miner la légitimité de l’exécutif et à entretenir la défiance envers les institutions.

Conclusion : de la critique à la compréhension

Reconnaître l’écart entre une intention politique et sa mise en œuvre ne doit pas automatiquement disqualifier l’acteur politique. Il est de la responsabilité des citoyens et des journalistes de distinguer les ajustements nécessaires des reniements opportunistes. La démocratie exige non seulement des promesses, mais aussi la capacité à comprendre pourquoi certaines ne sont pas tenues.