« De nombreux types de gouvernements ont été essayés, et d’autres le seront encore dans ce monde de péchés et de malheurs. Personne ne prétend que la démocratie est parfaite ou omnisciente. En effet, il a été dit que la démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont été essayés de temps à autre. »
— Winston Churchill, Chambre des Communes, 11 novembre 1947
Le récit dominant sur la Convention citoyenne pour le climat est souvent résumé à un échec, un reniement, ou une opération de communication politique. Pourtant, replacer cette initiative dans son contexte historique — celui d’une France sortie meurtrie de la crise des Gilets jaunes — révèle une tentative plus sincère qu’on ne veut bien l’admettre, mais aussi plus fragile qu’elle ne pouvait le supporter (seulement 48% des propositions ont été reprises dans la loi).
I. Une crise sociale décalée dans le temps
Les Gilets jaunes ne sont pas nés en 2018 par hasard, mais leur révolte exprimait un ressentiment accumulé depuis une décennie. Fiscalité injuste, sentiment d’abandon des territoires, fractures numériques et culturelles : autant de tensions antérieures cristallisées autour d’un symbole — la taxe carbone — perçue comme l’injustice de trop.
L’essence du mouvement était moins une revendication précise qu’un cri de détresse sociale amplifié par les algorithmes.
II. La réponse présidentielle : ouvrir la démocratie pour contenir la colère
Face à cette révolte inattendue, Emmanuel Macron cherche une voie qui ne soit ni purement technocratique, ni strictement populiste. Il tente l’innovation démocratique : le Grand Débat, puis la Convention citoyenne pour le climat. Cette dernière, fruit d’un tirage au sort, vise à reconnecter les citoyens aux décisions politiques. Mais cette ouverture soulève une contradiction : que faire des conclusions issues de cette nouvelle voix citoyenne ?
III. Le mythe du “sans filtre” et la réalité du compromis
Macron promet de reprendre les propositions “sans filtre”, ce qui s’avérera impossible — ou du moins irresponsable — dans le cadre institutionnel existant. Certaines mesures (limitation de vitesse, publicité, fiscalité) heurtent d’autres segments de la population déjà sur le fil. Le compromis devient inévitable.
Mais la culture politique française rejette souvent le compromis, perçu non comme une vertu démocratique mais comme une trahison.
IV. La désynchronisation entre le temps politique et la mémoire collective
Trois ans plus tard, on juge la Convention sans tenir compte du moment où elle a émergé. On oublie que le pays sortait d’une crise majeure de légitimité, que le risque de rupture était réel. On mesure aujourd’hui les résultats à l’aune d’attentes idéales, déconnectées du contexte. Et les réseaux sociaux — qui avaient amplifié la crise — amplifient aussi le procès en “trahison”.
Conclusion : une leçon démocratique manquée ?
Ce que révèle l’expérience de la Convention, ce n’est pas tant l’échec d’un président que la difficulté collective à accepter que la démocratie est une pratique exigeante, fondée sur l’écoute, la lenteur, et surtout le compromis. La crise actuelle de la démocratie française ne vient pas d’un manque de mécanismes participatifs, mais d’un refus d’en accepter les contraintes.