Chaque jour, l’étonnement grandit. Comment expliquer que Donald Trump, malgré ses incohérences économiques, ses outrances verbales et ses attaques contre les institutions démocratiques, ait pu revenir au pouvoir en 2022 ? Pourquoi tant d’électeurs, confrontés aux conséquences directes de ses décisions – inflation, tensions migratoires, conflit social – continuent-ils de le soutenir ? Ce texte propose une tentative de réponse à ce paradoxe, entre pédagogie défaillante, récit émotionnel et effondrement de la rationalité publique.
1. Pourquoi Trump a-t-il encore été élu ?
Une pédagogie absente ou inaudible
Depuis des années, les économistes, sociologues et journalistes spécialisés alertent sur les effets réels de la politique économique de Trump. Mais cette pédagogie n’a pas pénétré la majorité de l’opinion. Pourquoi ? Parce que la confiance dans les experts est brisée. Ils sont vus comme complices d’un « système » contre le peuple. La vérité devient alors relative : on croit celui qui parle fort, non celui qui démontre.
Une bulle médiatique étanche
Trump s’appuie sur un réseau d’influence parallèle (Fox News, réseaux sociaux, Truth Social) et stigmatise les médias classiques comme des ennemis. Le résultat ? Des millions d’Américains vivent dans un univers informationnel parallèle, émotionnellement plus confortable, mais factuellement erroné.
2. Mais Trump est-il vraiment seul ? N’a-t-il pas de bons conseillers ?
Oui, mais ce sont des idéologues
Trump est entouré, non de technocrates, mais de fidèles idéologiques. Ceux qui le contredisent sont évincés. La compétence est secondaire face à la loyauté narrative. L’objectif n’est pas l’efficacité économique mais la cohérence d’un récit politique de domination et de puissance.
Trump n’est pas idiot, mais manipulateur
Il dispose d’une intelligence redoutable : celle de l’onde médiatique. Il capte les colères, simplifie les récits, transforme les défaites en attaques subies. Il ne cherche pas la vérité, mais l’efficacité du spectacle. Il transforme la politique en affrontement tribal, où l’émotion écrase la raison.
3. Pourquoi les électeurs suivent-ils encore ?
Ils votent pour une émotion, pas pour un programme
Le vote Trump est un vote de rejet, de revanche, d’identification virile. Il donne l’illusion de la reprise de contrôle, même s’il détruit les instruments de ce contrôle. Il apaise symboliquement ceux qui se sentent méprisés ou oubliés, même s’il les appauvrit concrètement.
La complexité est devenue insupportable
Face aux enjeux systémiques (climat, énergie, dette, mondialisation), Trump apporte des réponses simplistes : ‘on gagne ou on perd’. Cette rhétorique binaire séduit dans un monde saturé d’angoisse et de contradictions.
4. Trump : idiot ou cynique ?
La question est mal posée. Trump n’est pas l’un ou l’autre. Il est stratégiquement irrationnel : son discours ne vise pas la vérité, mais la performance. C’est un acteur du réel, pas un architecte de solutions. Il joue sur scène une victoire permanente, dont il est le seul scénariste. Et ce théâtre plaît à une société qui préfère une illusion de grandeur à la vérité d’un monde instable.
Conclusion
Ce n’est pas vous qui êtes idiot. C’est le monde qui se cabre contre l’intelligence partagée. Vous vous sentez comme un cobaye dans une roue, parce que l’époque recycle sans fin les mêmes erreurs, et que les faits ne suffisent plus à corriger les récits. Mais écrire, transmettre, nommer ces absurdités reste un acte de résistance salutaire.