Surgénérateurs : l’atome du futur que l’Occident a abandonné

Dans un monde en quête d’énergie durable et décarbonée, une technologie éprouvée, puissante et sous-exploitée reste dans l’ombre : le surgénérateur. Capable de multiplier par soixante l’efficacité de l’uranium naturel, il pourrait rendre l’énergie nucléaire quasi infinie. Pourquoi donc l’Occident l’a-t-il presque totalement abandonnée ? Et pourquoi la Chine, discrètement mais sûrement, construit-elle son avenir énergétique autour de cette filière ?

1. Qu’est-ce qu’un surgénérateur ?

Contrairement aux réacteurs classiques à eau pressurisée (REP), les surgénérateurs utilisent des neutrons rapides et peuvent générer plus de matière fissile qu’ils n’en consomment. Ils peuvent fonctionner avec du plutonium ou de l’uranium appauvri, des matériaux généralement considérés comme des déchets. Ainsi, ils permettent de fermer le cycle du combustible et de réduire drastiquement la quantité de déchets radioactifs à vie longue.

2. Où en est-on dans le monde ?

Aujourd’hui, seul un pays a un surgénérateur de niveau commercial en construction : la Chine, avec son CFR-600. La Russie exploite le BN-800, mais uniquement avec du plutonium d’origine militaire. Le Japon a abandonné son projet Monju, l’Inde multiplie les retards, la France a tué le projet Astrid, et les États-Unis n’ont jamais lancé de programme sérieux post-EBR-II. Le tableau est clair : l’Occident a tourné la page avant même d’en avoir lu le dernier chapitre.

3. Le scandale silencieux du plutonium

Ce qui fait obstacle n’est pas l’efficacité ni la maturité technologique, mais la peur politique du plutonium. Le même plutonium qui sert à produire de l’électricité propre et durable est assimilé à un danger absolu, alors que l’humanité entretient des arsenaux de 12 000 têtes nucléaires actives. C’est une hypocrisie flagrante. Nous avons accepté le plutonium pour nous détruire, mais pas pour produire. C’est là tout le paradoxe.

4. Pourquoi l’Occident a-t-il renoncé ?

Le coût des prototypes, les accidents passés (Monju, Superphénix), la montée des idéologies antinucléaires, et l’obsession pour les renouvelables à court terme ont conduit à un abandon progressif de la R&D sur les réacteurs à neutrons rapides. C’est un renoncement stratégique et scientifique.

5. Pendant ce temps, la Chine avance

Pékin a compris l’intérêt stratégique du nucléaire durable. Elle développe le CFR-600, prélude à une flotte de surgénérateurs à grande échelle. Son objectif est double : indépendance énergétique totale et domination technologique à l’export. D’ici 2040, elle pourrait imposer sa norme mondiale.

6. Pourquoi il faut y croire encore

La technologie existe. Les connaissances sont là. Le monde dispose de tonnes d’uranium appauvri à valoriser. Le surgénérateur est le seul levier connu capable de faire du nucléaire une énergie quasi infinie. Renoncer à cette voie, c’est condamner le nucléaire à une impasse ou à une dépendance chinoise.

Peur du plutonium, amour de la bombe

Nous craignons le plutonium civil, mais nous investissons des milliards à entretenir des ogives nucléaires pour être sûrs de bien nous détruire. Ce n’est pas un débat technologique. C’est un aveu moral. Le surgénérateur révèle notre hypocrisie collective face à l’atome.