Transparence fatale : quand la communication tue la stratégie

Bavardage médiatique, diplomatie spectacle, divulgation imprudente : l’Europe s’exhibe militairement sous prétexte de démocratie.

1. La transparence militaire a des limites… franchies depuis longtemps

Historiquement, un État souverain :
– ne communique pas ses vulnérabilités ;
– ne détaille pas publiquement ses stocks, sa logistique, ni la disponibilité de ses troupes ;
– ne fait pas connaître la nature exacte de ses réserves stratégiques ;
– et ne livre pas en temps réel ses envois de matériel à l’ennemi potentiel — fût-ce par communiqué.

Or aujourd’hui, à coups de plateaux TV, de reportages en immersion, de « tableaux de bord des livraisons à l’Ukraine », on s’approche d’un strip-tease stratégique permanent.

2. Le renseignement n’a plus besoin d’espions…

Les services adverses peuvent aujourd’hui :
– collecter des données OSINT (journaux, réseaux sociaux, publications officielles) ;
– reconstituer des chaînes logistiques entières depuis des images satellites ou des vidéos TikTok ;
– croiser les déclarations d’analystes improvisés avec celles de politiques en mal de démonstration.

Même le renseignement militaire devient “open source”, non par progrès technologique, mais par imprudence démocratique.

3. Pourquoi cette absurdité ?

Les États européens, soumis à une exigence démocratique de transparence, ont laissé se développer un complexe politico-médiatique du commentaire perpétuel. Cela s’explique par :
– la peur du soupçon : on préfère tout dire que d’être accusé de dissimulation ;
– la politisation de l’armement : l’envoi d’un char ou d’un missile devient un acte politique, pas militaire ;
– la course à l’image : chaque ministre veut montrer qu’il “agit”, qu’il “livre”, qu’il “parle à Poutine ou à Trump”.

Cette mise en scène permanente tue la stratégie, désarme la dissuasion, et nourrit la rage légitime de ceux qui attendent rigueur et cohérence.

4. On fait de la géopolitique comme on ferait de la télé-réalité

– Macron parle à Poutine → « Il est de mèche ? Il capitule ? »
– Il ne parle pas → « Il est absent, inactif, isolé. »
– Il livre des armes → « On n’a plus rien. »
– Il n’en livre pas → « Il trahit l’Ukraine. »

Tout devient du commentaire vide, réduit à une émotion morale ou partisane, sans intelligence stratégique. Et quand quelqu’un dit « on n’en sait rien donc taisons-nous », il est ignoré ou accusé d’être complice du silence.

Conclusion : le silence comme force

Il est urgent de rappeler un principe que nos sociétés feignent d’oublier : le silence n’est pas un aveu de faiblesse, mais parfois un outil stratégique.

L’exigence démocratique de transparence ne peut être absolue dans les domaines militaires et industriels. Trop montrer, c’est trop exposer. Trop commenter, c’est désarmer. Et trop d’émotion tue la lucidité.

Il est temps de reconstruire une culture du discernement. Parce que la démocratie ne survivra pas à son propre bavardage si elle oublie que la sécurité commence par la discrétion.