Trump, business as usual et grande comédie européenne

Quand le silence des raisonnables et le théâtre des cyniques imposent leur récit

L’annonce a fait la une : Donald Trump impose 600 milliards d’investissements étrangers aux États-Unis. La presse s’emballe. Les éditorialistes frémissent. Les chancelleries européennes se disent « préoccupées ». Et dans l’opinion, une impression se diffuse : les Américains gagnent, les Européens s’inclinent.

Mais que s’est-il réellement passé ?

Le chiffre avancé par Trump – 600 milliards de dollars d’investissements étrangers – n’a rien d’exceptionnel. C’est en réalité le niveau habituel, voire légèrement inférieur, des investissements étrangers annuels cumulés sur deux ans. Les entreprises européennes, asiatiques ou canadiennes investissent aux États-Unis depuis des décennies, parce que ce marché est gigantesque, solvable, et politiquement stable.

Rien n’a été imposé. Rien n’a été conquis. Mais le récit est là : Trump annonce une victoire contre « les étrangers », et une grande partie de l’opinion américaine applaudit.

Mais l’autre scène se joue chez nous. Face à cette déclaration grotesque mais efficace, les responsables européens ne contestent rien. Ils s’indignent vaguement, pleurnichent parfois, mais aucune voix n’ose dire que tout cela est une supercherie.

Pourquoi ? Deux hypothèses (non exclusives) émergent :

1. Laisser Trump croire à sa victoire
Un silence stratégique ? En laissant Trump revendiquer une conquête imaginaire, les Européens lui offrent une victoire en carton, espérant éviter une nouvelle escalade douanière. Une forme d’apaisement cynique : faire croire à l’adversaire qu’il a gagné pour qu’il se calme.

2. Préparer l’opinion à l’effort
Un signal interne ? En affichant une faiblesse feinte, certains dirigeants européens pourraient chercher à préparer les esprits :
« Regardez comme le monde est dur, regardez ce que Trump nous impose… il faudra faire des efforts, il faudra être compétitifs, il faudra s’adapter. »
C’est ainsi que la fiction américaine devient un levier d’ajustement intérieur, une mise en condition psychologique des peuples européens.

Dans tout cela, ce qui manque cruellement, c’est la parole raisonnable, claire, structurée. Celle qui dit :
– que les investissements privés ne se commandent pas d’un tweet,
– que les flux économiques ne suivent pas les ordres d’un homme fort,
– que les chiffres doivent être lus avec contexte, pas avec ferveur.
Et surtout, que la passivité du discours européen n’est pas une fatalité, mais un choix.

Trump n’impose rien d’autre qu’un récit. Mais ce récit fonctionne parce que ceux qui pourraient en démonter la mécanique s’abstiennent. Par peur, par cynisme, ou par calcul.

Ce n’est pas une victoire américaine. Ce n’est même pas une défaite européenne. C’est un théâtre global, dont nous sommes les figurants tant que personne ne monte sur scène avec une voix claire.